Luzech. Jonathan est mort pour 540 €

**MARIE** Mer 3 Fév - 0:47

Luzech. Jonathan est mort pour 540 €

Assises du Lot. Poursuivi par des jeunes, il s'était jeté dans le Lot et avait péri à Luzech. Ses agresseurs et son « créancier » présumés sont jugés.

Le premier jour du procès de la noyade de Luzech n'a pas permis d'éclaircir les circonstances dans lesquelles Jonathan Boulanger est mort, le 19 mars 2008, à Luzech.
La session des assises du Lot s'est ouverte dans une atmosphère tendue et solennelle, que la conduite posée des débats par la présidente Françoise Martres a vite transformée en ambiance calme et studieuse. La défense a récusé trois jurés. La lecture de l'ordonnance de mise en accusation à l'encontre d'Emmanuel Malahouka, Yann Paigerac, Abdellah Zenati et Brice Jeanselme pour « tentative d'extorsion de fonds avec violence ayant entraîné la mort » a seulement levé le voile sur les raisons pour lesquelles le jeune apprenti peintre de 21 ans s'est jeté à l'eau.

« Mission tatao »

Jonathan avait une dette de 540 € pour une affaire de stupéfiants envers Emmanuel Malahouka, étudiant, cuisinier en alternance dans un restaurant.
Le ton était monté entre eux au cours de conversations téléphoniques où Jonathan aurait été menacé d'être attaché à un arbre et mutilé.
C'est à la faveur de la venue de trois copains de la région parisienne d'où Emmanuel est originaire que « l'opération Tatao », c'est-à-dire le recouvrement de la dette aurait été imaginée.
Le 18 mars, la veille du drame, seule la voiture de Jonathan avait été retrouvée et dégradée à coup de pied et d'une batte de base-ball ; la plage arrière avec enceintes est volée. Le lendemain, le quatuor repère Jonathan avec un couple d'amis. Pendant qu'Emmanuel gare sa voiture, ses trois copains accostent Jonathan et un coup lui est porté. Jonathan prend la fuite, poursuivi par les trois jeunes. Bon nageur, il se jette dans les eaux du Lot, mais est sans doute victime d'une hydrocution ; conclusion de l'autopsie.
Au domicile d'Emmanuel, à Puy-L'Évêque, les enquêteurs découvrent un revolver de calibre 22, la plage arrière de la voiture de Jonathan, plusieurs plaquettes de résine de cannabis et 1 000€.

« Emmanuel est brillant, intelligent »

Et c'est là que ces faits entrent en contradiction avec l'image de garçon sérieux, gentil, volontaire et respectueux, décrite, hier, par les témoins qui se sont succédé à la barre, à l'occasion de l'examen de personnalité d'Emmanuel Malahouka. Ses parents se sont séparés quand il avait 4 ans. Il a grandi dans l'absence de son père qu'il voyait très peu. Il suit une scolarité normale, débute un BEP électrotechnique mais il est renvoyé pour absentéisme et défaut de stage. Il est alors pris en charge par l'association Second Souffle. Il trouve sa voie dans la cuisine et réussit son CAP. détecté comme un élève brillant, il entre, fait rare, en 1er année Bac Pro sans passer par le BEP. Mais suite à une altercation dans l'établissement avec sa petite amie, il est exclu du lycée hôtelier de Souillac.
Sa mère, comme son ancienne professeur de français ou l'éducateur de Second Souffle décrivent un parcours positif constituant même un modèle pour d'autres jeunes.
Même contraste pour Yann Paigerac, 21 ans, soupçonné d'avoir frappé Jonathan : ses parents se séparent quand il a 3 ans et son frère 10 ans. Son père part à la Martinique où il tombe dans la toxicomanie. Sa mère refait sa vie, a deux autres enfants dont Yann s'occupera. Mais cela se passe très mal avec le beau-père. Il quitte le domicile familial. En échec scolaire, il parvient toutefois à passer son diplôme d'aide-soignant mais se rend compte qu'il fait fausse route. Il s'apprêtait à s'engager dans l'armée, lorsque le drame est survenu. Hier, sa fiancée a apporté son témoignage émouvant de femme amoureuse décrivant un garçon aimant, attentionnée, généreux « mais parfois trop fier » qu'elle soutient sans faille.
Une première journée amère pour la famille de Jonathan, notamment pour Maurice Beddelem son papa : « Personne n'exprime de remords ».
L'examen des personnalités des accusés se poursuivit, aujourd'hui, avec celles de Brice Jeanselme et d'Abdellah Zenati.